La relation de confiance
Une notion largement acceptée par les êtres sociaux que nous sommes, nous invite à penser que la confiance est fondamentale dans l’existence même des relations humaines. Elle permet dans une organisation l’émergence de la sécurité psychologique, dénominateur commun des équipes efficaces (voir le projet Aristote de Google) et la coopération qui dynamise l’évolution des sociétés.
La confiance signifie que l’on se fie à autrui sur la base de croyances optimistes de ses intentions (bienveillance et bonne foi). Elle est donc grandement facilitée par la connaissance de l’autre.
Cependant, dans les sociétés et entreprises de plus en plus nombreuses, connaître tout le monde devient presque impossible. Selon l’anthropologue britannique Robin Dunbar, le nombre maximum d’individus avec qui nous pouvons entretenir des relations sociales stables est compris entre 100 et 230 personnes et la valeur admise en pratique est de 150 personnes(1). Cette limite serait inhérente à la taille de notre cerveau impliqué dans les fonctions cognitives, le néocortex.
Au-delà ? Pour remplacer la confiance individuelle, nous inventons des institutions dont le rôle sera de garantir des relations de confiance entre inconnus par la mise en place de système (ex : la monnaie). Le problème est qu’en transférant toute la confiance destinée à autrui vers les institutions, la coopération étant de moins en moins nécessaire et certains biais comportementaux se développant (polarisation collective, paresse sociale…), la confiance s’effondre…
On ne peut ignorer au travers des débats actuels (écologie, réforme de retraite…) animés autour de contraintes liées à des ressources souvent limitées, que la confiance vis-à-vis des institutions s’en trouve ainsi dégradée (voir le baromètre annuel du cabinet Edelman)(2). Il en est de même au sein des entreprises où la compétition y est plus importante et où chacun a à cœur d’exister.
Alors pour alimenter un cercle vertueux autour de la confiance, dans un monde de plus en plus complexe et où les interactions sont de plus en plus nombreuses, possédons-nous une ressource illimitée qui permet à chacun d’être reconnu ?
Et si nous commencions par le début ?
Une des caractéristiques de la confiance, c’est d’être contagieuse. C’est en tout cas ce qu’a prouvé une série d’expériences menées par David Rand(3), de l’université de Yale. Il est apparu qu’au cours d’interactions répétées dans un jeu de confiance qui permettait d’identifier personnellement les coopérateurs et les profiteurs, ceux qui avaient réalisé les meilleurs résultats à long terme et les gains les plus importants, étaient tous des coopérateurs.
La diffusion de la confiance entre les individus passe donc par l’interaction sociale et cela fonctionne même avec un simple "Bonjour !"
En effet, nous en oublierions presque que les êtres sociaux que nous sommes, possèdent une richesse inépuisable (sans même passer par la Banque Centrale Européenne), les signes de reconnaissance. En pratiquant la politique du Colibri(4) ils peuvent permettre de créer des liens, diffuser la confiance et développer la coopération. Points lumineux sur un fond guetté sinon par une sorte d’appréhension vis-à-vis de l’autre, ils contribuent à mobiliser les énergies.
L’impact des signes de reconnaissance
Au-delà de ses bienfaits pour l’organisation, c’est un besoin de stimulation fondamental pour un être social. Ils sont autant nécessaires à la vie que les aliments dont nous nous nourrissons et l’air que nous respirons. L’expérience de René Spitz avec les bébés élevés en pouponnière en 1947 ou encore le triste résultat de l’expérience de Frédéric II de Hohenstaufen au 13ème siècle, qui cherchait à savoir si l’être humain possédait une langue naturelle (en évitant de parler aux bébés), ont montré les risques psychologiques (voir décès) encourus par l’absence total de signes de reconnaissance.
Les signes de reconnaissance obéissent à une règle humaine fondamentale : tout sauf l’indifférence.
Ils peuvent donc pousser quelqu’un à rechercher des signes de reconnaissance négatifs plutôt que de ne pas en recevoir. Tout petits nous essayons toutes sortes de comportements pour attirer celui ou celle qui nous procure des signes de reconnaissance dont nous avons besoin. Un adulte qui se sent mis à l’écart d’une réunion de travail peut également mettre en place des stratégies plus ou moins conscientes pour se faire remarquer. Souvent, lorsque quelqu'un identifie une attitude lui permettant d'en obtenir, il cherche à la reproduire, pour maximiser sa satisfaction.
Éric Berne, fondateur de l'analyse transactionnelle, définit un signe de reconnaissance comme "tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d'autrui". Un signe de reconnaissance peut être :
· Verbal ou non verbal : "bonjour" ou un clin d’œil,
· Positif ou négatif : un compliment ou une critique négative,
· Conditionnel ou inconditionnel : le premier est factuel, précis et circonstancié, il concerne le "faire" : le second est relatif à l'"être", à la personne dans sa globalité
L’économie des signes de reconnaissance, un faible investissement qui peut rapporter gros !
L’économie des signes de reconnaissance, un faible investissement qui peut rapporter gros !
L’être humain (être social) est donc doté d’une richesse naturelle inépuisable qu’il n’est pas si facile d’apprivoiser. Comme souvent quand nous parlons de richesse, elle s’intègre dans une «économie ». En effet, les échanges sont bien devenus soumis à des critères et des règles « économiques » fondés sur une croyance de pénurie : depuis tout petits nous avons appris à croire que le monde ne peut nous offrir autant de signes de reconnaissances positifs que ce dont nous avons besoin.
Pour illustrer nos stratégies détournées pour distribuer et parfois travestir les signes de reconnaissance que nous partageons, Claude Steiner a écrit « Le conte chaud et doux des Chaudoudoux » (5) et des Froidpiquants (A lire !).
Cette croyance a ainsi conduit à l’élaboration des règles économiques suivantes :
· Ne demande pas les signes de reconnaissance que tu veux.
· Ne donne pas les signes de reconnaissance que tu souhaites donner.
· N’accepte pas les signes de reconnaissance que tu veux.
· Ne refuse pas les signes de reconnaissance dont tu ne veux pas.
· Ne te donne pas à toi-même des signes de reconnaissance.
Or, à tous les âges, nous pouvons remplacer ces critères économiques par des permissions.
Plus nous en donnons, plus nous en recevons et réciproquement. Alors que les réserves d’argent sont limitées, celles de signes de reconnaissance sont illimitées.
Alors soyez confiant et n’attendez pas que les autres se montrent gratifiants à votre égard pour commencer à diffuser la confiance : cela pourrait être long ! Lancez-vous, même auprès des personnes que vous ne connaissez pas en veillant à ce que les paroles de reconnaissances que vous offrez soient :
· Sincères,
· Argumentées,
· Personnalisées,
· Dosées en fonction des besoins de la personne,
· Opportunes : choisissez bien le moment pour les prononcer.
En entreprise, les signes de reconnaissance conditionnels sont indispensables dans l’accompagnement et le développement des personnes. Ils permettent de se positionner, de s’évaluer et ils posent les limites.
Ils nous nourrissent au fil de notre vie, selon qu’ils soient positifs ou négatifs, selon la façon dont ils nous sont adressés ou selon comment nous les intégrons. Ils peuvent contribuer à notre construction comme à notre destruction et dans une société de plus en plus nombreuse, au cercle vertueux de la confiance ou au cercle vicieux de la défiance. Quoiqu’il en soit, si nous sommes de plus en plus vigilants sur la qualité et la quantité de ce que nous avalons ou respirons, il n’en est pas toujours de même avec les signes de reconnaissance…
Et vous, à qui en donnez-vous ? De qui en recevez-vous ? De quel type ?
Sources :
(1) Article sur le nombre de Dunbar :
(2) Baromètre de la confiance du cabinet Edelman : https://www.edelman.com/sites/g/files/aatuss191/files/2019-02/2019_Edelman_Trust_Barometer_Global_Report.pdf
(3) Articles sur la confiance et la coopération de David Rand : http://davidrand-cooperation.com/
(4) La légende du colibri - Pierre Rabhi
(5) Le conte chaud et doux des chaudoudoux - Claude Steiner
Les signes de reconnaissance via l’analyse transactionnelle :
Manuel d’analyse transactionnelle – Livre de Ian Stewart et Van Joines
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