« Former les Hommes, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu. » Aristophane
A l’heure de nouvelles tensions économiques, de nombreuses personnes se retrouvent dans des situations qui les déstabilisent. Un passage en chômage partiel, des licenciements ou encore des opportunités professionnelles réduites.
Ces situations peuvent rappeler l’intérêt de développer son autonomie et de prendre de la hauteur pour limiter au mieux l’impact de notre environnement sur notre carrière et nos choix. Elles soulignent également l’importance d’apprendre tout au long de la vie afin de développer ses compétences et favoriser son autonomie.
L’acquisition des compétences se fait sous différentes formes, cognitives (esprit critique, créativité…), comportementales (coopération, communication) ou encore techniques (histoire, droit, langues…).
Notre éducation a largement accentué le développement des compétences techniques en privilégiant par ailleurs, un axe d’apprentissage par la connaissance plutôt que la réflexion. Dans l’exemple du schéma scolaire classique, pour un élève, le plus important est d’assimiler les connaissances pour retenir une grande quantité d’informations par cœur, afin de les restituer dans un ordre satisfaisant aux examens. Toutefois, qu’en est-il dans la réalité professionnelle ?
Quel apprentissage pour les besoins actuels et futurs ?
Comme le souligne Jeremy Lamri (1) : « L’approche par les compétences (et non plus métier ou diplômes) est en train de changer radicalement la logique des DRH. Dans une entreprise, au quotidien, il convient donc de repenser bien évidemment la formation continue des collaborateurs, mais également l’environnement de travail, les outils de travail et les modalités de travail. » Chacun de ces éléments doit favoriser toujours plus le développement cognitif et comportemental dans des conditions saines et durables.
En effet, pour appréhender le monde de demain, créer de la valeur et délaisser progressivement des tâches routinières qui seront affectées aux machines, la formation doit également prendre en compte une approche différente. Elle implique de pouvoir développer les capacités à apprendre, réfléchir et interagir. Des éléments aujourd’hui que notre cerveau travaille peu via notre éducation, en se concentrant principalement sur la connaissance et donc la mémoire.
Favoriser la sollicitation des sens, l’expérimentation ou la coopération, permet ainsi l’apprentissage de différentes formes de compétences. La mise en condition de ces éléments va également réamorcer le désir d’apprentissage tel que nous l’avons vécu dans notre enfance. Il va attiser notre curiosité.
Pour Aaron Swartz (2) qui a été l’un des leaders de mouvement pour une culture libre, les élèves devraient être libres de suivre leur curiosité plutôt que les programmes scolaires. En effet, l’homme est curieux par nature et c’est cette curiosité qui l’a poussé à faire des découvertes et étendre le champ des connaissances. Lorsqu’un élève s’intéresse à un domaine, il peut l’explorer par lui-même et faire des expériences. En s’exerçant, il pourra être soutenu par une communauté de membres expérimentés et ainsi maîtriser son sujet.
Nourrir le désir par la formation
En effet, pour apprendre il n’est pas nécessaire d’être enseigné. De nombreux modèles existent pour tenter de formaliser une méthode d’apprentissage qui serait idéale, parmi ces modèles, le 70/20/10.
Ce modèle invite à penser le développement des connaissances et compétences comme :
– 70% par l’activité et l’expérience
– 20% par les relations et les interactions avec les autres
– 10% par la formation formelle, en présentiel, en atelier, en e-learning…
Dans une même logique liée à la réflexion et la confrontation, plutôt que l’acquisition unique de connaissance, ce modèle explique en filigrane que ce n’est pas tant le fait de suivre une formation qui fait progresser l’individu, mais bien de se confronter tous les jours au savoir et, surtout, de le mettre en application notamment avec les autres.
Il est toutefois intéressant de trouver un intérêt à nous focaliser sur les 10% de formation et ceux qu’ils peuvent apporter. En instaurant du nouveau dans le quotidien, en nous inscrivant dans la stimulation et l’accompagnement de la curiosité naturelle de l’apprenant, tous ces éléments (les 10%) vont décupler l’envie et la disponibilité d’apprendre.
Un autre exemple de modèle, est la formation en situation de travail (AFEST) qui a fait son entrée dans le Code du Travail en 2018. Cette modalité pédagogique héritière du compagnonnage ou des « formations sur le tas », propose les points clés suivants :
Des mises en situation de travail intentionnelles, préparées et organisées dans une visée pédagogique ;
Des séquences réflexives, permettant une mise en interaction entre l’activité réalisée, via des traces de cette activité et des références de cette activité ;
Cette exploitation pédagogique des traces de l’activité doit permettre d’ancrer les apprentissages.
Là encore, l’intention et l’expérimentation sont de rigueur pour nourrir le désir d’apprentissage.
L’idée générale pourrait être comparée à celle d’une graine et de la fleur qu’elle engendre. Difficile de nier que la graine, par sa taille, ne représente qu’une infime partie du total de la fleur qui sortira de terre. Mais c’est bel et bien grâce à son existence que l’éclosion est possible.
Conclusion
L’objectif principal est alors de nourrir le désir d’apprendre et de grandir, en créant les conditions nécessaires au développement de l’apprentissage en se basant sur du vécu et sur ce qui a du sens pour l’apprenant. Ces conditions vont également faciliter l’acquisition de compétences cognitives et comportementales en facilitant les capacités à apprendre, réfléchir et interagir nécessaires aux besoins professionnels de demain.
Quelles pourraient être ces conditions ?
Se nourrir au travers de l’attention et l’engagement actif : Développer son attention ici et maintenant par la sollicitation de ses sens et la prise en compte de ses émotions. Construire à partir de son vécu et échanges d’expériences, avec un esprit critique, tout en étant capable de remettre en cause ses schémas mentaux.
Grandir par la modélisation et l’expérimentation : S’inspirer de la modélisation à travers la pratique du formateur et des autres apprenants (peer to peer learning). Faire un autodiagnostic, bénéficier de feed-back, vivre l’expérience pour soi dans les sessions et la vivre dans les intersessions.
Incarner son apprentissage grâce à la consolidation et le temps : Synthétiser une approche personnelle de chaque module pour consolider les acquis en s’appropriant sa propre histoire. Repartir avec des outils, des repères pour maintenir un cap. Bénéficier d’un accompagnement où le temps est facteur de maturation.
Il n’existe pas de méthodologie toute prête, et c’est à chaque entreprise de construire son plan d’apprenance avec toutes les modalités possibles.
De nombreuses autres approches permettent également le développement personnel et professionnel comme le mentoring, le co-développement ou le coaching expliqués dans « La boite à outils de l’accompagnement professionnel » (3).
Dans un contexte de changement immuable, l’enjeu est toujours de s’adapter. Pour faciliter cette démarche, il convient alors de nourrir le désir de s’approprier les compétences qui facilitent l’autonomie et les conditions du changement.
Références :
(1) Jeremy Lamri – Les compétences du 21ème siècle
(2) Aaron Swartz – Celui qui pourrait changer le monde
(3) Hélène Le Pennec & Marie-Luce Barthélémy – La boite à outils de l’accompagnement professionnel
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